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Eurobonds Africains – A l’épreuve des tarifs américains

  • administration6109
  • 24 avr.
  • 6 min de lecture

Contexte

Trump a signé début avril un décret mettant en œuvre une nouvelle politique de tarifs réciproques qui imposera des  droits de douane supplémentaires sur les importations en provenance de la plupart des partenaires commerciaux  mondiaux. Si l’impact direct des tarifs, finalement suspendus pour 90 jours, n’impacterait que partiellement les pays  africains, leurs effets indirects auraient des implications plus importantes. 


Actualités


Des relations commerciales modestes entres l’Afrique et les US 


L’objectif de Donald Trump est de s’attaquer au déficit commercial américain et rééquilibrer les échanges extérieurs. Avec l’Afrique, le commerce américain est effectivement légèrement déficitaire : en 2024, les exportations de biens  des US vers l'Afrique étaient de 32.1 Mds USD tandis que les importations en provenance d'Afrique ont représenté 39.5 Mds USD. Cela correspond à un déficit commercial de 7.4 Mds USD en 2024 ou 0.1% du déficit commercial américain (graphique 1). A titre de comparaison le déficit est de 235.6 Mds USD avec l’Union Européenne et 295.4  Mds USD avec la Chine.  


Par ailleurs, si on s’intéresse à la composition des exportations africaines vers les US (graphique 2), il s'agit  principalement d'intrants pour les entreprises américaines. Près du 50% concerne des minerais et des métaux.  Quelques pays exportent effectivement des véhicules ou des textiles mais globalement il s’agit principalement de  matières premières non transformées. Parmi elles d’ailleurs, l'énergie et les produits énergétiques, ainsi que le cuivre  et certains minéraux essentiels ont été exemptés des droits de douanes. 


Globalement, l’Afrique ne constitue pas la principale menace pour les US. 

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Tarifs appliqués aux pays africains  


Néanmoins, la formule américaine pour déterminer les tarifs s’est aussi appliquée à l’Afrique. Les droits de douane atteindraient en moyenne 15% sur le continent (contre près de 25% à l’échelle mondiale) avec d’importantes  variations selon les pays.  


Le Burkina Faso et les Seychelles en sont par exemple exemptés, au même titre que la Russie. Sur les autres pays, un  tarif de base de 10% est appliqué et vingt d’entre eux sont sujets à des droits additionnels, dit « droits réciproques »,  entre 11% et 50% (graphique 3). Parmi les pays qui font face aux taxes les plus importantes, on trouve par exemple le  Lesotho (50%), Madagascar (47%), Maurice (40%), le Botswana (38%), l’Angola (32%) ou encore l’Afrique du Sud (30%). 


Les droits de douane imposés par Trump pourraient ainsi mettre ainsi fin à l'AGOA (African Growth and Opportunity Act). Cet accord permettait jusqu’à présent à plus de trente pays d’Afrique subsaharienne d’exporter la plupart de  leurs produits vers les US sans droits de douanes. Le dispositif avait été mise en place en 2000 par Bill Clinton et était destiné à soutenir les économies africaines. Il devait être renégocié d’iciseptembre 2025 mais D.Trump semble vouloir  y mettre un terme.  


Quels impacts ? 


Compte tenu du volume relativement faible des échanges avec les US (6% des exportations africaines), l’impact  direct de ces taxes devrait être plutôt contenu à l’échelle du continent. Les pays qui dépendent le plus des  exportations américaines pourraient subir une baisse de leur revenus mais l’impact attendu reste limité à certains  pays et secteurs spécifiques.  


Parmi les pays qui composent notre classe d’actifs, la part des exportations vers les US ne dépasse pas 10% des  exportations totales (graphique 4). L’Ethiopie apparaît parmi les pays les plus exposés aux tarifs avec 9.7% de ses  exportations à destination des US (principalement du café). Néanmoins, le pays n’est exposé à une taxe de 10% ce qui  demeure relativement limité. Les US représentent aussi près de 8% des exportations nigérianes. Néanmoins, il s’agit  pour plus de 90% de pétrole, produit exempté par les tarifs.


L’Afrique du Sud en revanche pourrait effectivement  observer une baisse de sa balance commerciale : les US représentent le 2ème partenaire commercial du pays avec près  de 8% des exportations totales, notamment dans le secteur automobile (15% des exportations vers les US). Les tarifs  pourraient donc peser sur les revenus tirés des exportations du secteur.


L’impact direct des tarifs concerne également  le Kenya et son industrie textile : les US rangent parmi les principales destinations des exportations kenyanes (près de  6.5% du total) qui sont composées principalement de produits textiles (>60% des exportations vers les US). Les revenus  d’exportations du secteur pourraient donc baisser et peser sur l’activité. 


Plus inquiétants néanmoins sont les possibles effets indirects de cette nouvelle vague protectionniste. 

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Evolution des facteurs de risque


La menace de perturbations économiques globales a entraîné une forte baisse des cours des matières  premières susceptible de peser sur les perspectives économiques africaines. La croissance économique de l'Afrique  est étroitement liée aux cycles des matières premières, ce qui rend le continent très sensible aux fluctuations du  marché (graphique 5). Plus de la moitié des pays africains dépendent en effet du pétrole, du gaz ou des minéraux pour  au moins 60 % de leurs recettes d'exportation. Si la croissance ralentit fortement et durablement sur les prochains  mois, les principaux exportateurs africains pourraient donc subir un choc important. A cet égard, l’Angola, le Nigéria  ou encore le Gabon et le Cameroun pourraient être négativement impactés par la chute des cours du pétrole. La  Zambie, l’Afrique du Sud, la Namibie et le Ghana pourraient eux être en premier lieu être concernés par la baisse des  cours des prix des métaux. 


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Selon l’issue des négociations sur les trois prochains mois, l’environnement pourrait aussi se caractériser par une  aversion au risque durable de la part des investisseurs, susceptible de peser sur la liquidité de certains souverains. 


L’aversion au risque se manifeste d’abord par une hausse des primes de risques et donc une fermeture du marché  pour les émetteurs africains. Les rendements obligataires des souverains africains ont bondi sur les dernières  semaines (graphique 6), sous l’effet d’un mouvement de vente des actifs risqués. La prime exigée sur les signatures  des souverains africains par rapport aux bons du Trésor américain s’est ainsi élargie. Les spreads de l’indice de  référence (JP Morgan EMBI Africa) ont augmenté de 154 pb depuis le début de l’année et sont désormais supérieurs  à 600 pb. Si le marché primaire est resté particulièrement actif sur le T1 (11.5 Mds USD au total), la hausse continue  des coûts de financement empêchera a priori les émetteurs africains d’effectuer de nouvelles opérations, au moins à  court terme. Si cela prive le continent d’une source de financement importante, l’absence d’échéances importantes  sur les eurobonds (graphique 7) limite le risque à court terme. L’Angola est le seul pays dont le remboursement d’eurobond prévu en novembre (autours de 860 Mns USD) pourrait alimenter un stress sur le souverain. Le scénario  de défaut est exclu compte tenu du niveau de réserves en devises mais le pays pourrait voir sa position extérieure  largement affaiblie. A cela, s’ajoute par ailleurs le risque en lien avec l’effondrement des matières premières. 


Le risque de liquidité en revanche pourrait s’accroître pour certains émetteurs africains. Les flux de financement  extérieurs représentent des montants importants permettant de couvrir les besoins extérieurs courants.  L’environnement actuel détourne actuellement certains flux (en particulier des flux de portefeuille) vers des actifs  plus surs. Si le mouvement s’étend dans le temps avec une aversion au risque qui perdure, cela pourrait accroître la  pression des états pour couvrir leurs besoins (graphique 8). Les états devront augmenter la part des financements domestiques et concessionnels. 


Les besoins de financement sont particulièrement élevés pour la Namibie (24% du PIB) du fait i) d’un déficit important  du compte courant dans le cadre des projets en hydrocarbures (couverts par les IDE) et ii) du remboursement sur  l’eurobond en octobre prochain (déjà provisionné pour plus de 60%). Le risque de tensions sur la liquidité devrait dont  rester limité. 


Le Rwanda apparaît aussi parmi les émetteurs dont les besoins de liquidité extérieure sont particulièrement  importants à près de 14% du PIB. Néanmoins, ces financements dépendant relativement peu des flux de portefeuille,  le pays bénéficiant davantage des dons et flux de financement concessionnels. La pérennité de ces derniers est  aujourd’hui menacée, mais pour des raisons qui n’ont pas de lien avec les tarifs douaniers. 

Le Sénégal en revanche pourrait effectivement faire face à certaines pressions : le pays est structurellement exposé  aux flux de portefeuille, par nature volatiles. Or, la situation déjà compliquée en termes de liquidité pourrait  s’aggraver, d’autant plus que le soutien financier du FMI reste encore en suspens. 


En dépit de ces préoccupations, les fondamentaux actuels des pays africains impliquent une meilleure résilience qu’en  2020 ou 2022 : les taux réels dans la plupart des pays devrait permettre de préserver une certains attractivité, les  surévaluation de taux de change ont été adressées après d’importantes dévaluations l’an passé (NGN, EGP, ETB) et les  positions extérieures ont été globalement consolidées.  


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Commentaire de gestion & positionnement


Suite à l’annonce des tarifs réciproques par l’administration Trump, les primes de risque des souverains africains se  sont fortement écartées (graphique 9) entrainant une baisse marquée des obligations. Les spreads supranationaux  ont plutôt bien résisté et les cours ont profité de la baisse des taux US. 


La quasi-totalité des émetteurs, à l’exception du Maroc et du Bénin ont vu leur prime de risque monter au-delà des  niveaux des niveaux de fin 2023 (graphique 10) et proche des sommets atteints en 2022. 


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Si les flux pourraient rester négatifs et le marché primaire se fermer temporairement, le profil de crédit des émetteurs  est plus solide qu’il y a 2 ans. De plus l’échéancier de remboursement pour 2025 est favorable. 

En dépit de la volatilité qui devrait continuer, nous pensons que les valorisations actuelles constituent un point  d’entrée intéressant pour la classe d’actifs. 


Positionnement : Le fonds Qantara ASB a un rendement de 11.8% en USD et une duration de 4.5. 

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